Un des combats du moment

Publié le 21 juillet 2025 à 12:05

Ces derniers temps, j’ai fait des stories/réels sur facebook, c’est plus facile, plus rapide car je n’ai pas beaucoup le temps d’écrire. C’est une infime partie de ce que nous vivons. Ça ne raconte pas ce que l’on vit de l’intérieur, ça ne permet pas de raconter ce qui se joue derrière nos sourires, l’humour, la légèreté de nombreuses vidéos, ça ne montre pas les larmes, les disputes, les déceptions, le combat de chaque jour et de toute une vie.

 

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à ce qu’aucun parent n’aimerait vivre : trouver une structure spécialisée pour Angelo, c'est-à-dire trouver un lieu pour scolariser Angelo tout en lui donnant accès à toutes les prises en charge dont il a besoin.
Angelo a besoin d’un suivi énorme : médical (gastro-entéralogie, hématologie, ophtalmologie, orl, endocrinologie, médecine fonctionnelle) et paramédical (kiné, Psychomot, orthophoniste, orthoptiste, opticien, orthoprotésistes, éducatrice, ergothérapie, infirmières à domicile) ainsi que scolarité spécialisée. Sans compter les passages chez le pédiatre, aux urgences ou les hospitalisations, sans compter les examens qui se rajoutent à tout ça, sans compter ….
Une organisation de fou ! Qui rend fous et qui épuise.

Angelo a besoin de matériels adaptés, d’adaptations pour tout, d’un accompagnement « one to one », par des professionnels qui connaissent le pluri-handicap.

Tout est si complexe dans le monde du handicap. Il faut tout le temps tout justifier, tout expliquer, tout demander en faisant des tonnes de dossiers, tout réclamer, tout recommencer ou raconter à nouveau, tout comprendre sans personne qui t’explique.

Plus d'un an que nous nous renseignons et visitons des écoles et structures spécialisées, un vrai casse-tête chinois quand on a un enfant aux besoins multiples et très spécifiques. Nous découvrons ce milieu du handicap : IME, IEM, EEAP, SESSAD, AESH, MDPH, AEEH, ULIS, PPS, Chesep, IDE, VSL, PMR, ALD, PCH etc… tout des termes qu’il faut apprendre et tout un fonctionnement derrière ces sigles qu’il faut comprendre pour ne pas se retrouver sur le carreau. C’est complexe, pas très logique parfois, pas vraiment inclusif souvent, c’est des tonnes de démarches, de dossiers, de coups de téléphones (et d'attentes interminables au bout du fil à écouter des musiques minables), des tonnes de réunions, d'heures passées en salles d'attentes, de mises au point, de recadrages. Ce n’est pas juste une simple inscription à l’école et puis c’est bon, mon enfant sera à l’école à la rentrée prochaine.
Ce sont beaucoup de portes qui se ferment au fur et à mesure des coups de téléphones, de la compréhension de ce système…c’est au fur et à mesure du temps les possibilités qui se resserrent, la vision d’un avenir étriqué et totalement incertain, sans solutions pérennes. Car la plupart des institutions n’ont pas de place avant plusieurs années et quand bien même elles auront une place, elles ne seront pas adaptées à votre enfant.

Pour Angelo, après avoir compris et déduis avec les professionnels que l’école classique ne sera pas adaptée pour lui, même avec une AESH, nous avons cherché du côté des IME (Institut médico éducatif). Mais pas de bol, ces structures n’acceptent pas un enfant nourri par gastrotomie et ayant des besoins très particuliers comme Angelo. Pourtant, il y a bien le terme « Médico » dans le nom de leur structure. Allez comprendre ?


Ok, donc on s’oriente vers les IEM (institut éducation motrice) qui sont des structures adaptées pour du pluri-handicap comme Angelo. Mais qu’un seul IEM par département, voir zéro. On va en voir un à Boucau (Pays Basque) qui a une très bonne réputation et qui serait juste parfait pour Angelo. Mais les locations à Boucau et alentours sont juste inaccessibles pour nous. Et puis a t’on envie de partir du Périgord noir? pour y faire quoi? pour se mettre en difficulté financière ? Nous qui n'avons plus de boulot et pas grand moral, ça nous compliquerait tellement la vie et nous couperait de la seule chose qui nous reste : nos amis, notre famille associé à une région où la vie y est agréable et saine.


Alors on va visiter l’IEM de Bergerac en Dordogne. Mouais ! Pas vraiment envie de mettre Angelo dans un établissement bétonné à côté d'un aéroport et d'une métallurgie.  Et puis pas vraiment le kiff de déménager là-bas aussi.
Alors on va visiter un EEAP (établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés) à Atur (à côté de Périgueux). A 45 min de chez nous. Seule structure proposée où ça nous permettrait de ne pas déménager.

 

La vérité ? Ben, tout simplement, on n’a pas envie de mettre Angelo dans une structure qui « parque » ensemble les enfants handicapés. Pourquoi sommes-nous dans un monde si exclusif, séparatif ? Pourquoi y’a t’il le monde des « normaux » et à côté, planqué dans un coin, le monde des « anormaux », qu'on semble vouloir rendre invisibles ? Pourquoi est-ce si difficile pour le monde d’inclure, de mettre en place ce qu’il faut pour tous sans exception ? Pour arrêter de différencier les normaux des anormaux. Qui fixe la norme ? Ceux qui l'ont décidé et écrite? Ceux que ça arrange bien? Ceux qui se croient supérieurs aux autres ?

Je pense vraiment qu’on pourrait mieux faire. Marre de ne pas voir dans les rues, dans les lieux publics, dans les écoles, dans les milieux professionnels des enfants ou adultes handicapés/polyhandicapés. Marre de les voir uniquement dans ces structures spécialisées ou sortir en "troupeaux". ça fait le même effet qu'au zoo : tout le monde les regarde, yeux écarquillés, comme des bêtes de foire...parce que personne n'a l'habitude de les côtoyer.

 

Oui, vivre auprès d’un enfant ou adulte handicapé, ça dérange, ça bouscule, ça met dans l’impuissance, ça met dans l’embarras, ça demande beaucoup d’efforts, d’arrêter de regarder que son nombril, de regarder l’autre tel qu’il est, de le considérer comme égal à soi, de chercher la relation, de se sentir aussi responsable d'eux et de leur bien être et non pas toujours se dire que ce sont les parents et/ou les professionnels qui s'en occupent. Mais si nous étions habitués à vivre tous ensemble dès le plus jeune âge, à s’entraider et s’enrichir les uns et les autres, peut-être que ça serait juste « normal » d’être tous différents les uns des autres, peut-être ça serait juste normal de vivre ensemble, juste normal qu'il existe des aménagements pour tous, que les plus habiles dans leurs corps et leurs esprits soient présents pour les moins aisés, peut-être qu’on s’apercevrait que ces personnes là qui ont moins d’aisance physique et/ou psychique ont en fait de l’aisance dans d’autres domaines, des qualités incroyables à faire fleurir.

 

Bref, nous en sommes là. EEAP (établissement pour enfants polyhandicapés) d'Atur (à côté de Périgueux).

L’EEAP d’Atur est le seul choix que nous avons si l'on veut rester vivre ici. Arrgh ! Pas vraiment une grande joie. On ne va pas se mentir : quel parent a envie de mettre son enfant dans une structure pour enfants polyhandicapés ? Aucun. C’est pas le projet de nos rêves pour Angelo. L’équipe a l’air chouette. C'est déjà rassurant. Reste à voir sur le terrain comment ils vont gérer, s’ils vont respecter nos demandes, exigences, s’ils vont savoir accompagner correctement Angelo et lui proposer des choses qui le feront évoluer. Ce sont des professionnels du handicap, si eux n’y arrivent pas, alors nous sommes perdus.

 

Mais ma peur la plus tenace : la maltraitance sous toutes ses formes. Angelo ne parle pas, il n’a pas de moyen de nous exprimer si ça ne va pas, s’il a mal, s’il a vécu quelque chose de difficile. Il peut pleurer mais il ne sait pas nous dire pourquoi. Comment repérer si quelque chose tourne mal dans ses journées. Comme seul point de repère : suivant ce que va manifester Angelo quand il arrivera à la structure. Il sait bien manifester la peur, le rejet ou au contraire l’envie, la joie, l’excitation. Et la confiance en l'équipe va se tisser avec le temps en fonction des évolutions et manifestations d'Angelo. Ou autre solution, mettre une caméra cachée sur Angelo ... haha !

Il va y avoir les trajets en taxi aussi pour Angelo. 1h30 aller et retour, ça fait passer beaucoup de temps avec une personne qu'Angelo ne connaît sans savoir ce qui se passe pour lui. Le ou la taxi-(wo)man, on ne va pas le/la lâcher. Et là pour le coup, on va demander à être en facetime avec il ou elle. C'est certain !


On va tenter cette structure. Parce que c’est notre seul espoir pour retrouver du temps libre. Mais attention, pour ceux qui croient que dès l’automne, nous aurons tout notre temps, détrompez vous. Ça va prendre du temps l’adaptation, des transmissions à l’équipe complète, le temps qu’Angelo s’y fasse, trouver un taxi-man/woman bienveillant(e). On va commencer progressivement, Angelo ne sera pas à plein temps dans cette structure, loin de là. On verra au fur et à mesure.  Et ça n’empêchera pas que nous aurons toujours à assumer les rendez-vous mensuels ou bi-mensuels à Bordeaux et Toulouse. Pareil pour les séances d'orthophonie et d'orthoptie qui sont à une heure de route. Et puis ce n’est pas assuré qu’Angelo arrivera à manger par la bouche à la structure. Or, s’il ne mange pas, c’est retour en arrière et donc plus d’efforts à faire côté alimentations par gastrotomie et stimulations sensorielles. Et puis qui dit collectivité, dit plus de virus et microbes et donc Angelo plus malade et plus facilement direction hôpital.

Bref, vu comme ça, pas sûr que ça nous soulage tant que ça. Seul l’avenir nous le dira.

 J'ai du mal à avoir une vision positive de l’avenir pour Angelo et pour nous. Même si la confiance en lui grandit avec le temps car il nous montre une force de résilience et d'adaptation, de formidables évolutions, un tempérament joyeux, curieux qui le pousse à aller de l’avant, un charme inaltérable, j'ai vraiment beaucoup de mal à avoir confiance en ce monde qui ne semble pas vouloir lui offrir une place et des moyens dignes de ce qu'il est capable de développer, de déployer, digne de ce qu'il y a d'extraordinaire en lui.

Bon, ce qu'il y a de positif là-dedans : nous avons déjà une énorme chance qu'Angelo puisse avoir une place dans une structure dès septembre 2025. De milliers d'enfants handicapés attendent des années pour intégrer une institution. En attendant, ils sont à la maison, isolés du monde ou alors partiellement pris en charge à l'école classique avec AESH mais ce n'est pas adapté pour eux. 

 

En tout cas, nous, aujourd’hui, on va tenter de composer quelque chose pour Angelo. Parce qu'il est si magnifique et qu'il faut aider cet être pétillant à se déployer !  On commence par cette structure pour espérer retrouver du temps libre, qu'il ait des prises en charge centralisées, même pour les repas et alimentations entérales du midi (ce qui va nous soulager) et ainsi, avoir le temps de réfléchir à la suite pour nous et pour lui. Il est dans un mouvement de vie incroyable, il fait des progrès extraordinaires, il s’ouvre au monde, est curieux de tout, trouve peu à peu des clefs de fonctionnement dans notre monde, à sa manière très charmante, amusante, intelligente, sensible. Alors nous avons envie de lui donner accès au meilleur, en sécurité, lui permettre d’apprendre, d’être stimulé, encouragé, soutenu, de s’éveiller dans de bonnes conditions. Nous ne sommes pas certains que l'EEAP va lui permettre cela. Nous avons beaucoup de craintes, de doutes. Mais nous essayons et si nous voyons que ça ne profite pas à Angelo, nous chercherons une autre solution.

 

Nous aimerions aussi qu'il soit en contact aussi avec des enfants "normaux" et pas que handicapés. Parce que ça le stimule beaucoup, parce qu'il aime (quand ils ne sont pas trop nombreux), pour ne pas le stigmatiser, lui faire comprendre qu'il fait partie des deux mondes qui devraient en être qu'un seul. C'est rageant : les handicapés avec les handicapés, les normaux avec les normaux. Comment faire pour que tout le monde vive ensemble ?

 Aujourd'hui, on en est là : comment allons-nous faire pour qu'Angelo voit aussi des autres enfants au développement "normal" ? Angelo va avoir 4 ans et ça y est, il est déjà "parqué", mis à l'écart. Assistantes maternelle, crèches, écoles, centres de loisirs ... impossible pour Angelo dans certains endroits par rapport à ses sensibilités avec l'impossibilité d'adapter les choses pour lui (ou alors c'est trop onéreux) ou alors cela demande des efforts que trop peu sont capables de faire ou veulent bien faire.

Et en même temps, nous avons besoin Gérald et moi d’arrêter de nous oublier, de prendre soin de nous, d’avoir du répit, de pouvoir retrouver une vie personnelle, professionnelle et de couple. Alors nous allons chercher le bon équilibre. Nous allons réfléchir comment offrir le maximum que l'on peut à Angelo et en même temps, comment nous reconstruire, comment composer avec beaucoup beaucoup de contraintes et de deuils, comment faire pour remettre un pied sur nos chemins personnels d'épanouissement.

 

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